ENCADREMENT DES PRESTATIONS D’INFLUENCE, Quels impacts sur les contrats après la loi du 9 juin 2023 ?

1 juillet 2023

ENCADREMENT DES PRESTATIONS D’INFLUENCE

Quels impacts sur les contrats après la loi du 9 juin 2023 ?

En janvier 2023, la DGCCRF constatait que 60% des influenceurs contrôlés ne respectaient pas la réglementation sur la publicité et les droits des consommateurs. A la suite de cette enquête, de nombreuses procédures ont été engagées par la DGCCRF dont certaines ont conduit au prononcé d’injonctions à l’encontre d’influenceurs pour cessation de pratiques commerciales trompeuses.

Si une régulation des pratiques des influenceurs était déjà mise en œuvre par la DGCCRF sur le terrain du droit de la consommation, le législateur et le ministère de l’Economie ont décidé d’élaborer une réglementation spécifique plus ambitieuse de l’influence commerciale.

C’est dans ce contexte qu’est née la loi 2023-451du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, accompagnée d’un « Guide de bonne conduite » à destination des influenceurs, rédigé sous la plume de Bercy.

UNE NOUVELLE DEFINITION DE L’INFLUENCEUR

Selon l’article 1 de la loi, sont influenceurs les personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement :

(i) de biens,

(ii) de services ou,

(iii) d’une cause quelconque.

Le législateur a souhaité toucher à la fois les influenceurs exerçant à titre individuel mais également par l’intermédiaire d’une société.

Le critère tiré du caractère « onéreux » de la prestation d’influence permet d’inclure dans cette définition les opérations dont la contrepartie réside dans une dotation en nature. Souhaité par les sénateurs, cet ajout fait référence à l’article 1107 du Code civil qui pose la définition du contrat à titre onéreux. Se pose la question du sort du « gifting ». Fréquente en pratique, cette méthode repose sur l’envoi des produits de marque à des influenceurs afin qu’ils en parlent sur leurs réseaux sociaux, l’expression « à titre onéreux » permet donc a priori d’englober cette pratique.

Délicat à mettre en œuvre dans la pratique, ce critère souligne une volonté affirmée du législateur de définir largement l’activité d’influence commerciale.

L’EXIGENCE D’UN ECRIT CONTRACTUEL

L’article 8 de la loi instaure un formalisme au contrat liant l’influenceur à son agent ou à un annonceur. Le contrat doit être rédigé par écrit, à peine de nullité, et préciser a minima :

  • l’identité des parties;
  • la nature des missions confiées ;
  • les droits et les obligations des parties, « notamment en termes de propriété
    intellectuelle
    » ;
  • l’avantage perçu par l’influenceur, soit la rémunération en numéraire ou la valeur de l’avantage en nature et les conditions de son attribution;
  • la soumission du contrat au droit français.

Une exception à ce formalisme contractuel doit être fixée par voie réglementaire dans les
prochaines semaines
: un décret en Conseil d’Etat fixera un seuil de valeur de l’avantage perçu
par l’influenceur en dessous duquel ces exigences ne seront pas requises.

QUELLES OBLIGATIONS PREVOIR CONTRACTUELLEMENT ?

  • Les mentions obligatoires 

Les prestations délivrées par des influenceurs pour le compte d’annonceurs doivent désormais s’accompagner de mentions obligatoires :

  • « Publicité » ou « Collaboration commerciale » pour indiquer le caractère promotionnel;
  • « Images retouchées » et « Images virtuelles » pour signaler les modifications visant à affiner ou à épaissir la silhouette ou à modifier l’apparence du visage et les procédés d’intelligence artificielle visant à représenter un visage ou une silhouette.

Les annonceurs veilleront donc à prévoir des garanties contractuelles quant à l’usage effectif
des
ces mentions obligatoires par les influenceurs. 

  • Les interdictions promotionnelles et le risque de cessation d’activité

Les articles 3 et 4 de la Loi dressent une liste de biens, services et causes pour lesquelles la promotion par influence commerciale est interdite (notamment les actes de médecine, de chirurgie esthétique, la nicotine, ou l’abstention thérapeutique). Outre les sanctions du Code de la consommation, sont désormais encourues des peines d’interdiction, définitive ou provisoire, d’exercer l’activité d’influence commerciale par voie électronique.

Les annonceurs ont tout intérêt à rappeler au contrat la nécessité pour l’influenceur de respecter ces dispositions impératives et à assortir cette obligation de sanctions contractuelles (résolution, clauses pénales), en particulier pour prévenir les risques d’atteinte à l’image de marque.

  • La responsabilité solidaire entre l’annonceur et l’influenceur ou son agence vis-à-vis des tiers

L’article 8 III de la Loi met en place un mécanisme de solidarité légale entre l’annonceur et l’influenceur ou son agence en cas de « dommages causés aux tiers dans le cadre de l’exécution du contrat d’influence commerciale qui les lie». La volonté du législateur est ici de responsabiliser conjointement l’influenceur et l’annonceur au respect des règles relatives à l’activité d’influence commerciale.

La possibilité d’aménager la solidarité par contrat n’est pas proscrite par la loi : une telle répartition apparaît pouvoir être envisagée, à l’image de pratiques existantes dans les opérations de maîtrise d’ouvrage ou de sous-traitance en matière de traitements de données personnelles.

La solidarité s’applique aux dommages causés aux tiers « dans le cadre de l’exécution du contrat d’influence commerciale ». Conçue pour permettre à la victime d’arnaques de se retourner contre l’influenceur aussi bien que la marque promue par ce dernier, cette définition devrait donner lieu à certains questionnements dans la pratique, dès lors qu’il n’apparaît pas aisé de définir a priori les variétés de dommages présentant un lien de causalité avec l’exécution d’un contrat d’influence.

En tout état de cause, une telle définition devrait inciter les parties à définir assez strictement l’objet du contrat d’influence afin de circonscrire corrélativement le champ de cette responsabilité solidaire.

A QUOI S’ATTENDRE DANS LES PROCHAINS MOIS ?

Plusieurs décrets en Conseil d’Etat sont mentionnés dans la loi, notamment le décret fixant le seuil du montant des avantages en nature en dessous duquel le contrat avec un influenceur est exempté de formalisme. Ce décret, attendu pour les prochaines semaines, devrait également permettre d’avoir plus de visibilité concernant les mentions à insérer dans les contrat conclus avec les influenceurs.

La DGCCRF devrait quant à elle poursuivre et renforcer ses actions à l’encontre des influenceurs indélicats avec les nouveaux outils à sa disposition, telle la possibilité de prononcer une interdiction temporaire ou définitive d’exercice

 

Aperçu par Philomène DubecqLaure MeysonnetJulien Canlorbe : https://lnkd.in/esyVSXvc